Message à la nation du président de la République SEM Ibrahim Boubacar Keita sur le lancement du dialogue national inclusif
Mes chers compatriotes,
Maliens de l’intérieur et de la diaspora,
Hôtes du Mali,
Voici que pour la troisième fois en six mois, l’enjeu particulier du moment m’amène à m’adresser à vous.
Ce soir également, ce soir comme les fois précédentes, comme à chaque fois où j’ai pris la parole, j’appelle au rassemblement et au sursaut, en droite ligne de ce que chaque dirigeant de cette vieille terre a fait quand les temps l’exigeaient, et en droite ligne de ce que ce peuple résilient a su faire contre tous les périls qui menaçaient son unité et son identité.
Or, aujourd’hui notre unité et notre identité sont en jeu. Le pays est en guerre, je ne cesserai de le rappeler.
Et si elle a connu quelques courtes trêves, cette guerre est la même, depuis le 17 janvier 2012 où elle a endeuillé Menaka ; depuis le 24 janvier 2012 où nos soldats furent lâchement assassinés à Aguel Hock, depuis mars-avril 2012, avec la reddition des capitales régionales que sont Gao, Tombouctou et Kidal.
Cette guerre est la même depuis bientôt une dizaine d’années, compromettant l’investissement pour le développement national, fauchant nos civils, et nos soldats, ceux de l’armée nationale comme ceux des forces étrangères, venues nous prêter main forte, mais venues à notre appel.
Non pas par charité, non pas parce que le Mali est un pays de mendiants. Mais parce que nous aussi, nous avons aidé partout, sur tous les fronts où il s’agissait de tendre la main à l’homme, de le sauver contre la bête.
Ce fut le cas lors des deux grandes guerres mondiales, ce fut le cas dans les missions onusiennes ou africaines de maintien de la paix, ce fut le cas aux côtés des freedom figthers en Afrique Australe.
Nous avons donné. Nous sommes en train de recevoir.
Nous n’avons aucune raison de nous glorifier d’avoir tendu la main à ceux qui en avaient besoin hier.
Mais nous n’avons non plus aucune raison de mordre la main de ceux qui nous tendent les leurs aujourd’hui.
L’humilité et la gratitude sont des valeurs de ce pays ; il importe de ne pas les jeter dans le torrent de nos récriminations personnelles.
Etant de ce pays, forgé par les vertus qui nous ont été inculquées au berceau et qui fondent notre humanité, je suis de ceux qui, parmi vous, n’oublient jamais que les soldats que nous vouons aux gémonies, sont Français, Sénégalais, Tchadiens, Burkinabé, Togolais, des êtres de chair et de sang, de jeunes mariés parfois, comme nos propres soldats.
Chaque mort m’endeuille, chaque mort m’interpelle ; civil, militaire, Malien, Non Malien.
C’est pourquoi, je m’incline devant la mémoire des dernières victimes de la déchirante guerre du Sahel, à savoir les soldats français morts à Indelimane.
Lundi, Inchallah, avec une délégation qui dit le Mali, qui reflète le visage et la parole du Mali, je serai à Paris aux obsèques de ces jeunes héros fauchés en terre malienne.
Mes Chers compatriotes,
Si le préambule a été long, en raison de la gravité du moment, l’objet de ce message est une fois encore d’inviter toutes les forces vives de la nation à participer et contribuer au Dialogue National Inclusif, entré dans la dernière ligne droite.
En saluant du fond du cœur l’équipe en charge de la préparation de ce Dialogue inclusif, trois hommes et une femme, tous de mission, d’engagement et de perspicacité, je voudrais convier toutes et tous au lancement officiel du Dialogue National Inclusif le 14 Décembre, au Palais de la Culture Amadou Hampaté Bâ.
Vous le savez, depuis quelques mois, les concertations se déroulent dans ce cadre, à tous les échelons de notre pays, avec en arrière-plan la triple crise institutionnelle, sécuritaire et politique de 2012, qui a révélé toutes nos forces mais aussi toutes nos faiblesses.
Mon adresse à la Nation du 16 avril 2019 a ouvert la voie à l’éventualité d’un audit de notre histoire immédiate, de nos institutions, de notre société, de notre capacité et de notre volonté à vivre ensemble.
Au vu de la mobilisation générale, de la passion que suscitent les débats, la question n’est donc plus de savoir si le pays va vers un dialogue mais quand et avec qui.
Depuis plusieurs semaines déjà, l’intitulé retenu pour ce forum est Dialogue National Inclusif.
Dialogue en raison de l’opportunité d’échanger qu’il promet; inclusif ensuite parce que ce dialogue doit être représentatif de nos terroirs et de nos préoccupations ; national enfin parce qu’embrassant l’étendue du territoire national, à l’instar des 605 communes où les débats eurent lieu sur les 611 prévues ; les 46 Cercles et les 6 Communes du District de Bamako ; les 10 Régions administratives et le District de Bamako ; les 25 Ambassades et Consulats où la Diaspora malienne a pu apporter sa contribution.
Nous ne faisons pas dans le mimétisme.
Nous ne lorgnons pas vers la spécificité pachtoune du loya jirga. Pas plus que vers la spécialité française du grenelle.
Nous avons de qui tenir et ce que nous voulons est simplement le « massâla » à la malienne !
Car, après tout, nous sommes le peuple de Kouroukan Fougan dans le Mandé, nous sommes le peuple du batou mawdo dans le Macina.
Tous d’accord qu’il est devenu crucial de revérifier le projet, d’évaluer sans complaisance le chemin parcouru par la 3è République née dans les clameurs, dans la fureur et dans le sang, nous devrions saisir l’opportunité offerte de la mise à plat, et du diagnostic profond, dans la plus grande courtoisie et dans la plus grande convivialité.
Réfléchissons à la solidité du pays.
Vérifions une fois de plus ses piliers et faisons en sorte qu’aucune lézarde, qu’aucune fissure ne nous échappe, et qu’à l’appel immortel du Roi Ghezzo, nous assemblions nos mains !
Faisons en sorte que la belle diversité de notre pays soit une richesse et non pas un aléa qui donnera libre cours à toutes les velléités, y compris celles de faire bande à part parce qu’une minorité armée ou vocale en impose à une majorité silencieuse !
Faisons en sorte que tous les acquis des assises précédentes soient pris en compte, en particulier les Etats généraux de la Décentralisation, dont les recommandations dessinent le Mali de demain où la dévolution du pouvoir aux populations à la base devient une réalité tangible !
Faisons en sorte que la démocratie se conforte d’un taux de participation conséquent, que la communauté nationale s’approprie plus la langue et le langage par lesquels le pays est gouverné !
Faisons en sorte que ce pays préserve et accroisse ses niches d’excellence dans le but d’enrayer la pauvreté !
Mes chers compatriotes,
Pour cette phase nationale je me suis moi-même, impliqué en rencontrant des personnalités politiques et de la Société civile afin que ce Dialogue d’intérêt national ne laisse aucune malienne, aucun malien au bord de la route.
Car c’est du Mali qu’il s’agit. Toutes les préoccupations peuvent et doivent y être exprimées sans tabou.
Toutes les forces, toutes nos forces, sont convoquées et invitées.
Je réitère mon appel au Chef de file de l’opposition, aux partis politiques et associations à regagner ce grand moment, qui n’appartient pas à Ibrahim Boubacar Keita, lequel passera, mais au peuple du Mali et à son avenir.
J’en appelle également à mes frères de la CMA, de la Plateforme et de tous les autres mouvements qui participent au processus de paix, pour qu’ils viennent à ce carrefour d’échanges que je pressens féconds et refondateurs.
Autorités religieuses et traditionnelles, vous qui avez toujours été les piliers moraux de notre Nation, je vous exhorte une fois de plus à poursuivre votre engagement heureux, sensible depuis la phase communale.
Garant de la Constitution, je tiens à rassurer l’ensemble national que la mise en œuvre des conclusions et résolutions issues de ce Dialogue National Inclusif, sera assurée par le mécanisme indépendant de suivi-évaluation dont les Congressistes me proposeront, et le format et la composition.
Bons débats,
Et qu’Allah bénisse le Mali !