Mali: Mamadou S. Coulibaly l’affirme: «La lutte contre la corruption sera gagnée !»
Ce ne sera pas pour demain, mais la lutte contre la corruption et la fraude sera gagnée. Telle est la conviction de Mamadou S. Coulibaly, Patron des patrons au Mali. Celui-là même qui a enclenché cette lutte par une dénonciation publique. Au cœur de sa stratégie pour vaincre la corruption et la fraude, des magistrats «souverains», vertueux et non «indépendants». Voici la synthèse d’un entretien à bâtons rompus, réalisé dans la mouvance de la célébration de la journée de lutte contre la corruption, le 9 décembre, avec le président du Conseil national du patronat malien (CNPM), sur un combat qui le passionne autant que l’entreprenariat, domaine dans lequel sa réputation de capitaine d’industries à qui tout réussit n’est pas surfaite.
Sans doute, son parcours l’aura préparé à ce combat. Une anecdote lui inspire tout en lui octroyant cette force qu’il dégage quand il s’agit de lutter contre la corruption et la fraude. En effet, à ses débuts dans les affaires, il a eu la chance ou la malchance de tomber sur un cadre du service des impôts. Celui-ci, sans prendre de bâton, avec sa manière à lui, a appris au jeune entrepreneur qu’il était à cette époque-là, de s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de l’Etat par le respect des procédures. Aujourd’hui, raconte-t-il, «je cherche ce cadre que je n’arrive pas à trouver, et si j’arrive à connaître sa famille, je m’acquitterai de ce devoir de reconnaissance envers lui».
Oui, l’administration joue un rôle capital dans la lutte contre la corruption et la fraude. Mamadou S. Coulibaly en est convaincu. Et un des moyens qu’il préconise dans ce cadre concerne la mutation de l’administration vers la numérisation, la digitalisation et l’interconnexion. Et donc, une administration qui emploie en masse la jeunesse, car portée sur l’intelligence artificielle et la robotique, domaines bien prisés par les jeunes, beaucoup plus «branchés» de nos jours.
Une administration virtuelle est fortement conseillée par le Patron des patrons au Mali, non seulement comme moyen stratégique de lutte contre la corruption et la fraude, mais surtout comme étant un défi pour l’existence du Mali. Et Kledu Coulou de prédire : «il nous faut relever ce défi de virtualisation de l’administration malienne à défaut de voir le Mali, en tout cas, son administration disparaître d’ici les années 2030 au plus tard en 2050». Mamadou S. Coulibaly répond là à sa réputation, celle d’un homme partage volontiers sa vision sur l’avenir. Un visionnaire qui dit ce qu’il pense et dont le seul tort est toujours d’avoir très tôt raison.
Aussi, soutient-il dans une tribune média sur la digitalisation de l’administration que «celle-ci est un enjeu majeur pour toute économie. Elle permet de réduire la corruption». Pour la réussite de cette réforme au Mali, qui constitue un défi, il faut une ferme volonté politique. L’Etat seul ne peut y parvenir, il faut associer le secteur privé et la société civile. Il s’agit, dit-il, d’une synergie d’action entre les acteurs concernés.
Pour lui, la digitalisation se présente comme une nécessité pour la modernisation et l’efficience de l’administration fiscale. Elle permettra de simplifier les démarches des usagers par l’allègement des formalités ainsi que la réduction des fréquences des contacts physiques entre les usagers et les agents publics. Elle est vitale pour assurer la transparence dans la gouvernance publique et privée.
Mais elle exige au sein de l’administration des jeunes compétents qui sont en phase avec l’outil informatique, qui maîtrisent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, des adeptes du virtuel, de l’intelligence artificielle et de la robotique, que Kledu Coulou voudrait voir dans l’administration. Autrement, le Patron des patrons au Mali prône le «dégagisme» de ces «vieux dépassés» au sein de l’administration. Lui-même n’étant pas aussi jeune, avec cet avantage qu’il n’est pas au sein de l’administration publique !
Ainsi, pour renforcer sa position, il cite le nombre croissant des entreprises. À notre début dans les affaires, se souvient-il, on se connaissait tous, le travail pour l’administration était plus facile. De nos jours, on observe des entreprises dans chaque quartier. Il faut pour une efficacité, numériser et interconnecter les services, user alors des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ce qui n’est pas le fort des Vieux au sein de l’administration, précise-t-il.
Si une telle réforme de l’administration n’est pas pour demain, Mamadou S. Coulibaly affirme que la lutte contre la corruption et la fraude doit et peut être portée par la justice, à travers des magistrats bien formés et spécialisés, dotés d’une vertu à nulle part ailleurs. Il cite en cela l’exemple du Pôle économique et financier. Voici alors, dit-il, un service rigoureux et actif qui mène des enquêtes saines, bien fournies mais qui doit être étoffé en moyens et en compétences, en termes de spécialisation.
Le Patron des patrons au Mali insiste sur le rôle de la justice dans le combat contre la fraude. Il croit dur comme fer que la justice doit être au cœur de ce combat, mais elle mérite à cet effet d’être protégée. Le vrai magistrat a de la vertu, il n’est pas riche mais dispose du pouvoir, n’importe qui ne doit être magistrat, affirme-t-il.
Dans une démocratie naissante comme la nôtre, le magistrat doit être souverain, vertueux. Son indépendance est vraiment à discuter étant donné que le premier magistrat du pays est politique, il est important alors de cultiver la souveraineté du magistrat que son indépendance.
Dans tous les cas, le combat contre la corruption et la fraude se gagne par une forte implication des magistrats souverains, vertueux et non de ceux indépendants, fait savoir Mamadou S. Coulibaly. En outre, il souhaite l’élargissement des tribunaux à d’autres compétences, étant donné que le magistrat ne connaît que le droit alors que la corruption et la fraude vont bien au-delà du droit.
C’est bien pour cette raison, entre autres, qu’il souhaite que l’expression «juge à compétences étendues», qui ne correspond à rien à son entendement, soit supprimée. Aussi, préconise-t-il, de réformer le tribunal de commerce, qui constitue le maillon fort de l’économie. Il gagnerait, selon lui, à être pensé et repensé.
Le président du CNPM, dans sa stratégie de lutte contre la corruption et la fraude, insiste beaucoup sur l’éveil des consciences et surtout l’implication des acteurs du secteur privé et ceux de la société civile. Une nécessité qui permettra alors de réduire l’influence de la théorie du complot qui sévit dans notre pays, portée par la culture sociétale et certains leaders extrémistes.
En effet, cette théorie du complot, explique M. Coulibaly, ne met pas en valeur l’effort, ni le fait du comportement, encore moins la responsabilité, mais, l’implication ou l’apport de l’autre. Ainsi, pour quelqu’un qui fraude et qui aura été arrêté, on dira plutôt que c’est un fait de son destin, ou alors que c’est le fait de quelqu’un d’autre. Ce qui explique du reste le sentiment ambiant faisant de la France l’acteur de l’insécurité au Mali, responsable de notre malheur.
Théorie du complot utilisée à souhait, selon lui, par certains responsables sécuritaires du Mali, par la désinformation sur les réseaux sociaux, pour entretenir le climat d’insécurité, favorable au maintien de la stabilité de leur position de confort actuelle. Comprenne qui pourra ! La théorie du complot trouve toujours un responsable de tout ce qui nous arrive et dans le cadre du combat contre la corruption et la fraude, elle est un facteur négatif. Un élan d’éveil des consciences par une implication citoyenne peut réduire son impact.
On aura compris, Mamadou S. Coulibaly, en homme réfléchi, ne s’est pas lancé par hasard dans ce combat contre la corruption et la fraude. Une de ses motivations réside dans son souci de savoir de quel pays, la nouvelle génération héritera. Réputé pour sa capacité à réussir ce qu’il entreprend, Klédu Coulou, son nom de combat, affirme à qui veut l’attendre que cette lutte, qu’il a entamée, se poursuivra et sera gagnée. On aura tort de ne pas le croire surtout de ne pas l’accompagner.
D’abord, en participant aux débats d’idées pour que se dessine une stratégie appropriée de lutte contre la corruption et la fraude au Mali, mais surtout pour maintenir l’environnement mobilisé sur cette question. De cela, Mamadou S. Coulibaly est convaincu.
Ainsi, affirme-t-il, dans ce combat, comme dans bien d’autres, il y a ceux qui bougent peu ou pas du tout, ceux qui bougent et qui avancent, et ceux qui ont la bougeotte et qui ne s’arrêtent jamais. Alors, le débat d’idées sur la lutte contre la corruption et la fraude est ouvert !
Moussa DEMBELE