Abdoulaye Diop (discours) : « l’Afrique n’a pas besoin d’un ajustement structurel, mais un ajustement culturel »
Discours de Son Excellence Monsieur Abdoulaye DIOP, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale à l’occasion de la Rentrée diplomatique 2023.
Thème : « Faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieure du Mali »
Ségou, Mali, le 21 janvier 2023
C’est un honneur pour moi d’accueillir à Ségou les membres du corps diplomatique et les représentants des Organisations internationales accrédités au Mali, pour cette session inaugurale de la Rentrée diplomatique du Mali.
A l’occasion de cette première rencontre formelle pour l’année en cours, j’ai le plaisir de vous adresser mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année 2023. Puissent nos efforts communs en vue de la paix, la sécurité, la stabilité et le développement de nos pays respectifs être couronnés de succès.
Je ne saurais poursuivre sans reconnaître et saluer votre présence ici, à Ségou, qui est le signe manifeste, si besoin en était, de votre soutien et de votre engagement aux côtés du Mali.
Je remercie également les participants qui nous suivent en ligne, notamment les Ambassadeurs et Consuls généraux du Mali, présents derrière leur écran et prêts à contribuer à nos travaux.
Mesdames et Messieurs,
Les rentrées diplomatiques constituent traditionnellement l’occasion pour les Ministères des Affaires étrangères de rappeler les grandes lignes de leur action extérieure et d’envisager les perspectives.
Le Mali a voulu cette Rentrée diplomatique, inédite dans notre pays, pour renforcer le cadre d’échanges avec nos partenaires et ouvrir un nouveau canal d’interaction qui servira à redynamiser le dialogue constant que nous avons.
Son Excellence Le Colonel Assimi GOÏTA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, Chef de la Politique Extérieure a bien voulu honorer cet évènement qui se tient sous Son Haut Parrainage. Le Chef de l’Etat a fixé le cadre de l’action publique au Mali, dans laquelle la diplomatie occupe une place prépondérante.
En effet, il s’agit pour l’outil diplomatique du Mali de mettre en œuvre la vision du Chef de l’Etat, particulièrement dans sa dimension relative à l’encadrement des partenariats noués par notre pays, et désormais axés sur les priorités nationales et le respect des trois principes clés qui guident l’action publique au Mali et notre relation avec le monde extérieur à savoir, le respect de la souveraineté du Mali; le respect des choix stratégiques et des choix de partenaires du Mali; la prise en compte des intérêts vitaux du Peuple malien dans les décisions prises.
Cette démarche impulsée par les plus hautes autorités s’inscrit dans le cadre d’échanges francs et permanents, d’écoute mutuelle, de sincérité et de respect réciproque afin que la satisfaction des intérêts respectifs et des besoins vitaux de nos populations soit au cœur de notre action.
Mesdames et Messieurs,
Comme vous le savez, la mise en œuvre de l’ambition du Gouvernement de parvenir à la prise en charge des attentes légitimes des Maliennes et des Maliens est entravée par la persistance de la crise multiforme à laquelle la région du Sahel et particulièrement le Mali sont confrontés depuis 2012.
Les populations maliennes, particulièrement dans leurs franges vulnérables que constituent les femmes et les jeunes subissent, hélas, les impacts négatifs des nombreux défis que le Gouvernement s’emploie à résoudre avec dignité et abnégation.
Le processus de paix et de développement dans lequel nous sommes engagés comporte des réponses de diverses natures. En effet, le Mali a très tôt compris que la seule réponse militaire, certes nécessaire, voire indispensable, ne suffirait pas à régler les défis auxquels nous faisons face.
Aussi, en complément aux aspects sécuritaires, le Gouvernement renforce progressivement la dimension « soft power » de son approche et, à cet égard, met un accent croissant sur la culture comme facteur de paix, de cohésion sociale et de renforcement de l’unité nationale.
Cette dynamique nous a ainsi fondé à placer la première édition de la Rentrée diplomatique sous le sceau de la complémentarité entre la diplomatie et la culture, en retenant le thème « Faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieure du Mali ».
A travers cette thématique, le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, en étroite collaboration avec le Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme œuvre à valoriser le formidable potentiel offert par la diversité culturelle et la richesse du patrimoine malien.
Le Ministre de la Culture a éloquemment évoqué les atouts de l’offre culturelle de notre pays, héritier de grands royaumes et empires, pétri de traditions et civilisations millénaires qui se sont consolidées au contact de l’autre.
Du reste, ces traditions et civilisations relèvent d’un patrimoine que la Mali partage avec des pays frères et amis africains. Cette communauté historique et de destin nous conforte dans notre approche panafricaniste, notamment pour ce qui concerne l’engagement du Mali à participer à tous les mécanismes continentaux dans lesquels le leadership africain est affirmé, et qui soutiennent les solutions africaines aux problèmes africains. Nous nous reconnaissons également dans les processus africains qui œuvrent à la promotion des valeurs, des traditions et de l’identité culturelle africaine.
Mesdames et Messieurs,
Le Mali est ce pays qui a toujours été et reste ouvert au monde, un pays qui s’enrichit du brassage culturel et de la diversité.
Cette constance dans l’hospitalité et dans la volonté de se rapprocher davantage les uns des autres a été réaffirmée par les Maliens à la faveur des Assises nationales de la réfondation, à l’issue desquelles ce sont plus d’une douzaine de recommandations fortes qui ont été proposées pour le seul secteur de la culture.
C’est vous dire combien les Maliens ont à cœur de sauvegarder, de valoriser et de partager leur culture.
Mesdames et Messieurs,
Le Gouvernement est pleinement engagé à la réalisation de cette œuvre nationale. Pour sa part, l’outil diplomatique jouera toute sa partition, et à cet effet la présente Rentrée diplomatique est une étape du processus visant la codification de la diplomatie culturelle et sa mise en œuvre en tant que priorité de notre politique extérieure.
En effet, la réalisation des activités relatives à la valorisation de la culture, à la promotion de la destination Mali et à l’amélioration de l’image du pays, entre autres missions phares, fait déjà partie du corpus de missions que les structures centrales et extérieures du Ministère des Affaires étrangères exécutent au quotidien.
Les réflexions ainsi que les partages d’expérience et de bonnes pratiques qui ponctueront nos échanges durant les travaux de la Rentrée diplomatique alimenteront le processus engagé par le Gouvernement, en partenariat avec des opérateurs culturels et des personnalités de la société civile.
Je n’ai aucun doute que les analyses pertinentes et les propositions concrètes nous permettront d’affiner l’articulation entre la diplomatie et la culture, notamment dans la dynamisation des secteurs culturels et créatifs, reconnus comme des atouts majeurs pour le renforcement de la structure économique.
Mesdames et Messieurs,
L’apport de la culture à l’économie est considérable. Elle représente un levier essentiel du développement d’un pays en contribuant à sa stabilité, y compris à travers des emplois offerts à de nombreuses personnes qui échappent ainsi aux recrutements des groupes obscurantistes.
Je voudrais à cet égard, rappeler et partager la conviction de Monsieur Mamou DAFFÉ, Fondateur du Festival sur le Niger, conviction selon laquelle « La culture est le plus grand trésor et la plus grande richesse qui demeurera après l’exploitation de toutes les autres richesses naturelles et minières».
Je réitère au passage, mes sincères remerciements à Monsieur DAFFÉ pour avoir mis ce magnifique cadre et toutes les commodités nécessaires à notre disposition. Le complexe Kôrè et les activités artistiques et culturelles majeures qui se tiennent à Ségou font partie de ces initiatives de l’industrie culturelle qui forcent le respect et constituent une source d’émulation.
La culture, prise dans sa dimension géopolitique est une source d’identité et de cohésion des communautés et des peuples. Elle façonne de ce fait notre perception, notre compréhension et notre positionnement par rapport au monde extérieur dans ses dimensions politiques, diplomatiques, économiques et géostratégiques.
L’explication de l’extraordinaire résilience de notre pays et de notre peuple n’est-elle pas à rechercher dans la vitalité de notre culture et la richesse de son histoire ?
Notre quête permanente de souveraineté, de respect, de dignité et de grandeur ne trouve-t-elle pas ses origines dans notre héritage historique et culturel ?
Je suis persuadé que le problème de l’Afrique n’est pas économique sinon comment comprendre le paradoxe d’une population pauvre ou même appauvrie, assise sur d’immenses richesses naturelles et minières ?
La réflexion en cours autour de ces problématiques convergent vers le principe que ce dont l’Afrique a besoin n’est pas un ajustement structurel mais un ajustement culturel.
Le premier pas vers l’ajustement culturel est le changement de paradigme, du regard que nous portons sur nous-mêmes. C’est également la prise de conscience de qui nous sommes, d’où nous venons et où nous voulons aller. Mais rien de tout cela n’est possible si nous ne reprenons pas confiance en nous-mêmes pour sortir définitivement et sans complexe des schémas de domination et de prédation faisant de nous un réservoir dont tout le monde peut se servir au détriment des intérêts vitaux de nos populations.
Le partenariat d’égal à égal et gagnant-gagnant auquel nous aspirons est à ce prix.
Mesdames et Messieurs,
Notre rôle, en qualité de diplomates, sera entre autres de promouvoir les atouts du Mali, de communiquer davantage et de manière plus homogène sur les opportunités et le cadre incitatif d’investissement dans le domaine de la culture, de faciliter la mise en relation entre les acteurs nationaux et les partenaires extérieurs.
Ce faisant, nous avons à cœur de nous appuyer sur les acteurs privés opérant dans le domaine et qui sont, dans leur domaine d’expertises, de véritables trésors humains vivants et incontestablement des « Ambassadeurs de la culture malienne » parfois plus connus que les diplomates officiels.
Au lendemain de la célébration du 62ème anniversaire de l’armée malienne, marquée par les succès rencontrés sur le terrain depuis décembre 2021, le Ministère en charge des Affaires étrangères compte mobiliser toutes les énergies dans le cadre d’une diplomatie rénovée afin de permettre à notre pays de reprendre sa place, toute la place qui est la sienne dans le concert des nations.
Ceci marque une étape cruciale du processus de refondation pour le Mali nouveau et le Malien nouveau que nous appelons de nos vœux.
Sur cette note, j’ai le plaisir de déclarer ouverte la session inaugurale de la Rentrée diplomatique.
Je vous remercie de votre aimable attention./.